Mali: l’après – élection m’inquiète.

Le président sortant Ibrahim Boubacar Keita (IBK) vient d’être réélu à la tête du Mali.

Pour la communauté internationale, le scrutin du 12 août dernier est jugé acceptable même s’il a été constaté quelques incidents( bureaux de vote fermés et matériels électoraux brûlés sous la pression d’individus armés).

Mais pour Soumeila Cissé (Soumi), principal challenger d’IBK, député à l’Assemblée Nationale du Mali et chef de file de l’opposition, les résultats proclamés par la cour constitutionnelle ne reflètent pas la réalité du scrutin qui, à ses dires, a été entaché d’irrégularités ( bourrage d’urnes, achat de conscience, utilisation de biens de l’État dans les campagnes électorales).

C’est pourquoi il affirme ne pas reconnaitre IBK comme président de la République.

Cependant, il ne souhaite pas recourir à la violence pour combattre ce qu’il qualifie de mascarade électorale mais usera plutôt des moyens légaux, a – t – il laissé entendre dans une déclaration faite au siège de son parti à Bamako.

Moi, je ne crois pas que tout ce remue – ménage soit fait dans l’intérêt du peuple malien car les marches ne feront partir IBK et le fait que Cissé ne le reconnaisse pas comme président risquerait de nous priver d’un opposant de taille face à un IBK passé maître dans l’art de dilapider nos maigres ressources.

Les marches ne feront partir IBK.

Au Mali, l’organisation des élections revient au ministère chargé de l’administration du territoire qui, seul est habilité à proclamer les résultats provisoires. En cas de contestation des résultats, la cour constitutionnelle qui prononce les résultats définitifs, tranchera. Mais si les résultats proclamés par la cour sont contestés, il n’y a hélas, rien qu’on puisse faire.

Soumeila, qui a épuisé toutes les voies de recours, ne compte pourtant pas s’arrêter à mi chemin. Il semblerait qu’il ait misé sur les marches pacifiques pour mettre la pression sur le pouvoir en face.

Même si les marches sont légales, elles ne feront partir IBK qui est reconnu comme démocratiquement élu par les institutions du pays ainsi que par la communauté internationale.

Dans les meilleurs cas, ces marches aboutiront à une solution négociée pour partager les postes ministériels entre politiques et dans les pires des cas, à un bain de sang. Dans tous les cas, où se trouve l’intérêt du peuple ?

Ne pas reconnaître IBK comme président est sans avantage.

Quand on ne reconnaît pas une autorité, on ne reconnaît aucune décision émanant d’elle.

Soumeila Cissé, s’il persiste à ne pas reconnaître IBK comme président, il ne devrait reconnaître ni le premier ministre ni les ministres qui seront choisis d’ici les élections législatives prochaines. L’URD, son parti politique ne présentera pas de candidat à la députation et il n’y aura probablement pas d’opposant à l’Assemblée Nationale pour dénoncer les infractions, animer les débats et faire des contre – propositions, toutes choses nécessaires à la démocratie.

A mon avis, Cissé doit revoir sa position. Qu’il reconnaisse IBK comme président et qu’il continue d’être cet opposant à même de secouer le pouvoir.

En découdre avec l’idée selon laquelle l’on n’est élu que pour soi.

En Afrique, ce que l’on appelle « démocratie » dans les discours n’est en réalité, dans la pratique qu’une autocratie  » déguisée « , auréolée de népotisme.

C’est pourquoi, entend – t – on souvent dire que » celui qui est élu, est élu pour lui – même et les siens ».

Une conception du rôle de l’élu qui n’est pas pour déplaire à nos dirigeants qui se disent démocrates, républicains ou nationalistes, sans réelle conviction, leur sport favori étant l’utilisation de l’argent du contribuable pour assouvir des intérêts égoïstes.

Pourtant, les politiciens lorsqu’ils sont de l’opposition, les syndicats, les organisations des droits de l’homme, les ONG, la presse, les associations féminines et juvéniles ont de tout temps dénoncé le phénomène.

Malheureusement, ils sont peu ou mal compris des populations qui les qualifient d’agitateurs de l’ordre public, encouragées en cela par les tenants du pouvoir.

Pourquoi, le phénomène perdure – t – il ?

Des concepts mal compris ?

L’accaparement des richesses, au haut sommet de l’État, par l’élite dirigeante, perdure parce qu’à ce stade de nos jeunes démocraties, nous ne sommes pas suffisamment approprié les mécanismes qui, en principe, doivent être les gardes -fous contre le phénomène.

La démocratie, pour beaucoup de gens, en Afrique, est réduite à une seule de ses composantes: la participation de tous au choix des dirigeants. Une fois, le dirigeant choisi, pense – t -on, il peut disposer du pays et de ses ressources comme d’une possession personnelle. Une idée du chef, toujours ancrée dans la conscience collective et qui tire son origine probablement du temps des royaumes et des empires où les populations pouvaient être consultées sur des questions touchant à la vie de la nation mais les décisions et les richesses appartenaient au chef.

Les opposants politiques à un régime sont perçus comme des mauvais perdants qui, n’ayant pas pu accéder au pouvoir par les voies légales tentent de l’arracher en semant le désordre et en détruisant ce que le pouvoir construit. Une idée perpétrée par les régimes qui, les premiers ont été aux affaires dans nos pays et qui se retourne malheureusement contre eux lorsqu’ils se retrouvent aujourd’hui dans l’opposition

Ceux qui sont à la tête des organisations de la société civile sont, aux yeux de certains, des opportunistes qui, dans les meilleurs des cas, ne défendent que les intérêts d’une corporation ou d’une couche socioprofessionnelle et même au détriment de l’intérêt général.

La presse et les ONG dans une moindre mesure, sont taxées de partiales lorsqu’on ne les croit pas jouant le jeu du pouvoir ou celui de l’opposition.

A un pouvoir qui abuse, un contre – pouvoir qui modère.

L’élection, dans le contexte démocratique, traduit la volonté des populations de confier la gestion des affaires publiques à l’un des leurs.

Mais en retour, ce dernier se doit non seulement de respecter et de faire respecter la loi mais aussi de rendre compte au peuple de la manière dont les biens de la communauté ont été utilisés.

Et lorsque l’élu abuse de la confiance placée en lui en s’adonnant à toutes sortes de pratiques malsaines, le peuple à travers ses différentes composantes (sociales, politiques et professionnelles) est en droit de le lui faire savoir.

Les partis politiques de l’opposition, les syndicats, les organisations de la société civile, la presse, doivent être encouragés, pour que les pressions qu’ils exercent sur les décideurs soient suivies d’effets.

En effet, face à un pouvoir qui abuse, rien de plus efficace qu’un contre – pouvoir qui modère.

Présidentielles 2018 au Mali: le partage de gâteau toujours présent dans les esprits.

Les élections présidentielles sont prévues pour ce 29 juillet 2018 au Mali.

24 candidats sont en liste pour briguer la magistrature suprême du pays.

Dans le lot, se trouvent une femme, le président sortant et beau nombre de ses ex collaborateurs, le chef de file de l’opposition.

Cependant des gros partis politiques n’ont pas présenté de candidat, ils ont préféré rallier des groupements formés autour des grands ténors, susceptibles de gagner les élections.

De plus, le nombre de candidats est jugé exorbitant par nombre de citoyens, dans les débats de grin et de salon, ce qui pousse à croire que certains candidats se seraient présentés juste pour préparer des postes dans le gouvernement du futur locataire de Koulouba.

Sont rentrés sur scène des mouvements et acteurs de la société civile, pour appeler à soutenir des candidats.

De l’argent a été distribué dans les campagnes électorales par des particuliers en guise de soutien à tel ou tel candidat.

Tels sont les signes annonciateurs du tristement célèbre partage de gâteau que nos politiciens appellent gestion par consensus.

Aussi, le peuple doit doublement se tenir sur ses gardes parce que ce système, loin de permettre la stabilité du pays, aggrave les inégalités, sources de tous nos maux. De plus, ayant déjà montré ses limites avec le président ATT et tout récemment avec IBk, un tel système, ne nous sera d’aucune utilité aujourd’hui, au regard des défis et enjeux de l’heure.

Mais gestion par consensus ou partage de gâteau, de quoi, parle -t-on? Quels ont été ses résultats sous ATT et sous IBK? Quelles leçons en tirer aujourd’hui?

Le présent article tente de contribuer au débat en répondant à ces questions.

Consensus ou partage de gâteau.

A l’issue des élections de 2002, le Général Amadou Toumani Touré (ATT), candidat indépendant est élu président de la république du Mali.

La concertation

Ne disposant pas de parti politique, intrépide mais très sournois, il associe à sa gestion l’ensemble des partis politiques, pour dit-il, permettre le développement social et économique du pays. Aussi, il collabore avec l’ensemble des forces vives de la nation : chefs traditionnels, religieux, syndicats, organisations de femmes et de jeunes, qui sont régulièrement consultés sur de nombreuses questions touchant à la vie de la nation, l’objectif étant de faire participer << tout le monde>> à la gestion du pays.

Le partage

Les postes nominatifs (ministres, directeurs nationaux et régionaux, ambassadeurs, chargés de mission, gouverneurs, préfets) et même électifs (députés, conseillers nationaux et locaux) sont partagés entre les partis politiques et les organisations s’inscrivant dans la logique du consensus, chacun recevant une part proportionnelle à son poids politique ou à son degré d’implication dans le processus. Un nouveau concept est né, une nouvelle conception de la politique avec.

Des résultats qui découragent.

Le concept, si au niveau de la concertation se révèle être un plus pour la démocratie participative, dans sa dimension partage, il ne profite qu’aux seuls hommes politiques, à leurs hommes liges, à leurs parents proches ou lointains. Il n’encourage en rien la justice, l’équité, la bonne gouvernance.

Les résultats sous ATT.

Pendant des années la situation globale du pays est relativement calme, les institutions stables, les mouvements de contestation insignifiants.

Le consensus, sous ATT, c’est surtout l’arbitraire institutionnalisé.

Le népotisme, le favoritisme, le clientélisme privent les pauvres du strict minimum pour leur survie.

L’enrichissement illicite et les malversations financières, bien que étayés dans les rapports du Vérificateur Général, sont encouragés par ceux-là mêmes qui sont censés les combattre.

En 2012, des groupes armés indépendantistes s’attaquent aux positions de l’armée dans le nord du pays. Le système ATT vomit ses insuffisances, le climat social se détériore, une mutinerie met fin au règne du Général, les régions du nord tombent entre les mains des terroristes, le tout mettant à nu le malaise général qui tenait le peuple et la nation dans une sorte de léthargie.

Les résultats sous IBK

Plébiscité avec 77℅ de suffrages exprimés et un taux de participation qui défraie la chronique, IBK arrive à la tête du Mali en 2013, grâce au soutien des candidats éliminés au premier tour du scrutin, des leaders religieux, de l’armée et de nombreux citoyens qui croyaient en lui pour sortir le pays du gouffre dans lequel l’a plongé la crise multidimensionnelle de 2012. Au terme de son mandat, cet objectif n’a pas été atteint, les dossiers brûlants du moment (les crises du nord et du centre, la relance de l’économie, la lutte contre l’impunité et le terrorisme, la réforme de l’armée) n’ont connu aucune avancée significative.

Ici, aussi, les surfacturations, les dilapidations de fonds, la gestion peu rationnelle du patrimoine commun, la trop forte implication de la famille et des amis politiques du président dans les affaires publiques ne laissent aucune chance aux citoyens de s’épanouir, à la nation de se développer.

Des leçons pour aujourd’hui

Au regard du contexte sécuritaire actuel du Mali et des énormes défis qui se posent pour booster son développement, il est clair que le pays a besoin de la contribution de chacun de ses fils et de chacune de ses filles.

Il est évident que pour ce faire, le dialogue, la concertation, l’esprit de tolérance, le sens du partage sont des moyens dont la pertinence ne peut être remise en cause.

Cependant les injustices et les inégalités ne sauraient se justifier au nom d’un quelconque consensus, ni d’aucune autre théorie.

Ce dont a besoin, le Mali aujourd’hui, c’est:

Réussir à restaurer la paix sur toute l’étendue de son territoire et sécuriser les personnes et leurs biens.

Endiguer l’injustice et renforcer l’État de droit.

Relancer l’économie et rendre accessible à tous les services sociaux de base.

Mais tant que les richesses du pays ne profiteront qu’à la classe des nantis, on n’est pas prêt de relever ces défis.

Partage de gâteau, tel est votre projet de société, non merci doivent dire les citoyens.